Test : Persona 5 Royal remonte-t-il sur le trône des JRPG ?
Demain c'est long Testé pour PlayStation 4Par
,Ça y est, c’est décidé. On y a déjà passé 80, 100, peut être 200 heures, comme si ça n’était jamais assez. Le JRPG Persona 5 revient dans sa forme ultime, triturée, tripatouillée et amplifiée. Sans que ça ne gâche en rien le jeu original. Et ça, c’est Royal.
Pour ceux qui seraient passés à côté, Persona 5 est un RPG qui bat au rythme d’une année scolaire de lycéens. On prépare autant ses examens que l’on arpente des donjons, le tout en ménageant ses affinités avec ses camarades de classe. Autrement dit, l’histoire d’adolescents qui affrontent la nuit venue “les Shadows” dans un monde parallèle et hostile, symboliquement lié à leur angoisse, l’école. Pour lutter, ils invoquent leur Persona, un avatar mélange de pop culture, de psychanalyse et du folklore des grands brigands de fiction. Zorro, Carmen, Arsène Lupin et tant d’autres expriment toujours une version exaltée de leur propre caractère, avec une classe incroyable. Persona 5 est aussi un voyage passionnant dans l’inconscient de ses héros, de ses vilains, de toute une frange de la société que les jeux vidéo japonais n’ont pas l’habitude de traiter. Et tant qu'à faire, c'est toujours le jeu vidéo avec la plus belle interface graphique, que l'on pourra enfin découvrir pour la première fois en français au printemps, une absence de traduction qui rebutait certains joueurs. Un écrin de rêve pour une grande aventure parfois dérangeante, qui ne donne pas forcément aux joueurs ce qu’ils sont venus chercher. En un mot, c’est un grand jeu.
Persona 5 est aussi un RPG long, très long, qui nous rappelle à quel point une journée paraissait interminable quand on était lycéen. 100 heures, c’est le chrono généralement constaté pour aller au bout de l’aventure, soit une année scolaire entière. Certains diront que cela paraît interminable, qu’il y a énormément de blabla et c’est vrai, surtout quand on le retraverse une seconde fois pour exaucer les souhaits de la rédaction en chef. Le fait est que Persona 5 Royal n’est pas un remake ; il s’apparente plutôt à une version mise à jour ou un album un peu remixé. S'il était un film, il tiendrait plus du “Director’s Cut” avec des scènes ajoutées çà et là, et surtout des fins supplémentaires. Tout ce que Royal ajoute à Persona 5 n’aurait sans doute pas tenu dans un simple DLC. On parle ici de nouveaux personnages qui viennent s’intercaler dans la vie scolaire, de nouveaux confidents, mais également de nouveaux systèmes venant altérer l’équilibre des combats. Beaucoup de modifications sont d'ailleurs vraiment subtiles, et au final l’essentiel du jeu reste identique. Toutes les remarques du test de la version originale sont donc toujours d'actualité. Vous pouvez le consulter tranquillement, il contient le minimum de spoilers, et le temps a confirmé son statut “d’indispensable”.

Son nom est Persona
Nous y voilà. L’année scolaire reprend, au rythme d'une activité à choisir parmi plusieurs pour occuper chaque période de la journée. L’essentiel, soit 95% du jeu à la louche, est du déjà vu - donc autant se focaliser sur les nouveautés qui intéressent les vétérans de P5. Toute l’attention est braquée sur Kasumi Yoshizawa, le nouveau membre féminin des Phantom Thieves qui, bien évidemment, observe la troupe d’un oeil méfiant dès le début du jeu. Pour éviter le syndrome du parachutage en fin de partie, Atlus a intégré Kasumi à mesure de la progression en lui donnant des scènes plus ou moins importantes dès le début. Elle apparaît ainsi le temps d’un combat dès l’intro. On la retrouve ensuite par petites doses, jusqu'au mois de juin où elle finira par se lier d'amitié avec le héros, son sempai, au cours d'une journée écolo passée à ramasser les détritus. Kasumi est douée pour la gymnastique, aussi lui a-t-on attribué une Persona Cendrillon, avec des mitraillettes qui sortent de sa robe. Comme les autres Phantom Thieves, elle est infiniment cool.
Au final, Kasumi est donc plus présente que la pauvre Haru, un personnage qui arrivait si tard dans le jeu original que personne n’avait le temps de s’y attacher. Cette dernière a aussi droit à quelques scènes supplémentaires rappelant son existence au joueur un peu avant son heure. Quant à Kasumi, sa véritable scène d’introduction n’arrive qu’en octobre, ce qui signifie qu’on ne la voit pas intégralement avant le dernier tiers du jeu. Pour un titre qui s'étend sur 100 heures, le calcul est vite fait. Si vous êtes curieux ET pressé, Persona 5 Royal n’est pas fait pour vous. Même dans les conditions d'un second test - après avoir parcouru déjà quasiment deux fois le jeu original en japonais et en anglais - il faut bien compter quarante heures en accélérant les dialogues déjà lus et les séquences déjà jouées pour atteindre ce pivot narratif. Avec ici ou là un Wiki japonais pour ne rien manquer des nouveautés, y compris les virées en ville avec les jumelles Justine et Caroline, et un passage par les différents niveaux de difficulté (de Easy à Hard) pour une vue d'ensemble du rééquilibrage. Qui plus est, la vraie nouveauté n’intervient qu’au dernier semestre, la période qui inclut aussi le nouveau donjon.

Kasumi n’est pas le seul personnage inédit de l'intrigue, puisque débarque aussi Takuto Maruki, un enseignant qui devient en quelque sorte votre prof principal et confident. Un sacré changement, qui se produit juste après votre victoire sur ce salopard de Kamoshida qui, rappelons-le, brutalisait et violait ses élèves. Toujours prompt à vous inviter à discuter autour d’un thé et d’un jus de fruits, Maruki voit les Phantom Thieves de manière assez positive. Il n’est que gentillesse, écoute et bienveillance - et on vous conseille vivement de booster vos affinités avec lui si vous souhaitez profiter des nouvelles fins du jeu. Evidemment, le jeu intègre ces deux personnages de manière à ce qu’ils ne s’adressent qu’au héros en priorité, sans doute pour ne pas avoir à redoubler l'intégralité du jeu. Dans les faits, Maruki s’entretient avec les héros en tête à tête et Kasumi ne parle vraiment qu’au protagoniste, mais le mélange est suffisamment habile pour n'y voir que du feu.
Bon sang, un grappin
Persona 5 cède lui aussi à la mode du grappin, le genre d'ajout qui peut paraître de base un brin superflu. De fait, le level design entier des Palais a été retouché de manière à intégrer cette petite subtilité. On peut accéder à des corniches bien trop hautes et quelques salles par ce biais, tout en dénichant un bonus caché dans chaque palais. Dans tous les donjons principaux se cachent désormais un trio de pierres magiques en forme de crânes qui redonnent un peu de points de magie une fois en main. Les vétérans le savent, plus que le HP, c’est la magie qu’il faut utiliser avec parcimonie. Ce grappin peut aussi choper des ennemis par surprise à distance, ce qui est bien utile pour garder un avantage en cas de combat.
Les Mementos, les fameux donjons aléatoires que l’on traverse à bord de Morgana, le chat transformé pour l’occasion en bus Citroën, sont sans doute les parties qui ont été le plus retouchées. Ils sont à présent placés sous l’égide de José, un mystérieux petit personnage qui semble tout droit sorti d’un manga d’Osamu Tezuka. Ce bonhomme apparaît au hasard dans les étages du Mementos pour récolter les points à forme de fleurs trouvés sur votre chemin, qui peuvent être échangés contre des objets salutaires. On peut également lui confier des tampons, eux aussi cachés de manière aléatoire dans les Mementos. Éparpillés en nombre limité dans les étages du souterrain, ceux-ci servent à augmenter le nombre d’XP, d’argent ou la quantité d’objets récoltés au terme des combats. Le rythme d’exploration des Mementos s'en trouve chamboulé, car les combats déjà faits contre des ennemis capturés sont abrégés en une image. Du level up sans être laborieux ? L'une des excellentes idées de cette version Royal.
Atlus a également donné quelques friandises à tous ceux qui réclamaient des nouveautés visuelles. La plus impressionnante reste le “Showtime”, une attaque spéciale qui donne lieu à une animation représentant deux des combattants à l'unisson. Ces petites saynètes sont vraiment hilarantes, pleines de punch et surtout vraiment efficaces, même contre les ennemis sans aucun point faible élémentaire. Elles se déclenchent aléatoirement quand les points de vie des protagonistes virent au rouge - ou après un coup critique ou technique. Et leur mise en scène est un régal, à l'image de cette association entre Ryûji et Makoto, qui donne lieu à une attaque digne de Ken le Survivant après une traversée du désert sur soleil couchant. Attention, le Showtime ne doit pas être confondue avec l’attaque groupée à l’ancienne qui apparaît toujours quand l’ennemi est K.O. Même Futaba participe davantage aux combats avec une contribution à certains finishs.

Ultimax
Les membres de votre équipe disposent tous d’une forme ultime de Persona, qui se débloque au cours du dernier semestre. Plus généralement, les formes avancées de Persona sont plus faciles à atteindre, parfois sans croisement, et plus faciles à recruter, dans les palais et les Mementos. Le nombre maximal de Persona pour le héros est toujours aussi faible - mais il faut bien avoir quelques limites. La prison d’Igor et des jumelles Justine et Caroline est quant à elle soumise à une sorte d’alerte rouge qui change les règles au moment de croiser ses Personas. Toutes les capacités seront boostées pendant ce laps de temps mais, en contrepartie, les magies soumises à un tirage au sort. Il est donc possible de perdre de précieux sortilèges, ce qui oblige à manipuler la Velvet Room avec précaution. Précisons que des hybridations sont également possibles avec d'autres joueurs en ligne, au risque d'aboutir à des croisements particulièrement hasardeux.
Ce n’est qu’en rejouant qu’on se rend compte que l’histoire prend encore plus son temps que dans nos souvenirs. “Shinjuku visité pour la première fois en juin ? Vraiment ?” Qui plus est, une nouvelle destination vient s’ajouter à la carte déjà bien fournie de Tokyo. Il est désormais possible de visiter le quartier bien à la mode de Kichijôji, où l'on trouvera des commerces mais aussi un club de jazz prisé d’Akechi. Si son rôle de rival ne bouge pas, son Social Link a un peu changé de nature, et il faudra le booster comme les autres, en multipliant les rendez-vous dans ce quartier. Persona 5 Royal multiplie aussi les activités annexes, à l'image d'une collaboration avec “Dart Lives” pour intégrer un mini-jeu de fléchettes. Un bon moyen d'augmenter le taux de “Baton Pass”, ce système qui autorise un relais entre vos personnages. Moins sponso, le billard augmentera lui votre ratio de coups critiques. Le héros peut donc multiplier les sorties nocturnes et optimiser plus vite ses relations. “Faire une Greg”, c’est-à-dire sortir avec les dix filles du jeu pour la St Valentin, semble désormais un objectif un peu plus facile à atteindre sans la moindre FAQ sur les genoux.
Pour la collec
“My Palace” est le nom d’un mode spécial qui se débloque après un certain nombre d’heures de jeu. A l’intérieur de cet antre se trouve un tableau de succès complet et précis façon Smash Bros. L’endroit est personnalisable avec les objets qu’on y débloque. Les illustrations et croquis de Shigenori Soejima, les musiques de Shôji Meguro, les différentes séquences et tous les dessins animés s’y trouvent, tout comme un jeu de cartes local. Ce mode résume parfaitement ce Director’s Cut : si quoi que ce soit vous y intéresse, vous pourrez repartir pour 100 heures de jeu supplémentaires. Persona 5 Royal fait aussi office d'artbook numérique, à l'ergonomie discutable, certes, mais qui regroupe vraiment beaucoup de choses.
Le changement le plus important reste donc ce palais supplémentaire vers la toute fin du jeu, avec une Némésis surprise, et un récit encore plus dramatique à la clef qu’il serait criminel de gâcher ici. Il est fort probable que vous n’ayez plus d’énergie pour un NG+ depuis la première version, qui plus est en repartant de zéro. Et c’est normal. Persona 5 est un jeu qui prend réellement son temps comme le rappelle le logo “Take your time”, toujours là pendant le chargement. Ce n’est pas une version GOTY pour ceux qui l’ont déjà fait, mais avant tout une version destinée à ceux qui n’avaient pas de PlayStation 4 en 2017.
D'un autre côté, Persona 5 est un jeu si fort qu’il pourrait vous hypnotiser à nouveau, comme ce fut mon cas. Il n’y a plus rien à ajouter sur sa direction artistique ou son design qui met à l’amende n’importe quel RPG, sans même évoquer les musiques, qui accueillent de nouveaux thèmes ici ou là. Est-ce que ces changements, grands comme légers, valent le coup de s’abandonner une fois de plus dans le Metaverse de Persona ? Le dernier semestre emporte les personnages dans des directions surprenantes, en particulier Morgana. Certains méchants, les moins vindicatifs, s’en sortent bizarrement blanchis. Mais cette manière de conclure l’histoire est plus satisfaisante que la version Vanilla, qui trainait un peu en longueur. Là encore, si vous aviez rushé la fin à l’époque, vous y trouverez votre compte, à condition de tout vous retaper. Ca n’a rien à voir avec l’échec scolaire. C’est tout simplement que Persona 5 est une classe qui se redouble.