Test : Batman Arkham Knight (PS4)
Testé pour PC, PlayStation 4 et Xbox OnePar
,La série des Batman Arkham de Rocksteady * a assurément marqué la précédente génération de consoles avec ses aventures parfaitement rythmées, son gameplay mixant habilement combats brutaux et infiltration subtile, le tout porté par une réalisation impeccable. Avec Arkham Knight, le studio anglais entend bien clore sa trilogie en apothéose en profitant notamment d'un changement de génération pour nous coller une bat-baffe. Mais, Batman peut en témoigner mieux que quiconque, il suffit parfois d'un rien pour déjouer le plus ingénieux des plans...
Don't you know that you're toxic ?
Suite directe d'Arkham City, ce nouvel épisode aurait pu être le récit d'une Gotham City paisible et en pleine reconstruction après que Batman a déjoué les plans du Joker, laissé inerte dans un crématorium après une mort pas franchement volée. Oh, il s'écoulera bien une petite année insouciante et sereine. Mais imaginer que tout cela allait durer, c'était bien mal connaître la guigne légendaire de la pire mégapole du monde. Alors que l'on croyait s'être débarrassé de lui à l'époque d'Arkham Asylum, l'Épouvantail va faire un retour tonitruant en répandant sur la ville un gaz toxique qui va pousser les autorités à faire évacuer les trois îles principales de Gotham. Seuls resteront quelques policiers et pompiers courageux et surtout une ribambelle de bad guys dont une milice armée sérieusement équipée. Autant dire que notre ami masqué va avoir beaucoup, mais alors beaucoup, de travail.
Comme à l'époque d'Arkham City, Rocksteady a donc trouvé une petite cabriole pour vider la ville de sa population et en faire un terrain de jeu totalement libre et sans contraintes. Un petit regret pour ceux qui espéraient jouer au vigilante en sauvant une vieille dame agressée dans une ruelle sombre ou en allant chercher un chat coincé dans un arbre, mais l'histoire nous emporte tellement rapidement dans un tourbillon d'action que l'on oublie bien vite ce nouveau subterfuge. Fidèle à ses habitudes, Rocksteady profite de l'occasion pour déballer toute une collection d'ennemis récurrents de notre super-héros et l'entraîne ainsi dans une histoire bourrée de surprises et de rebondissements. Pas toujours très subtils, certains plot twists sont certes un peu téléphonés, mais qu'importe. On se laisse vraiment embarquer dans une aventure qui ne tient jamais l'attention du jouer pour acquise et qui mêle habilement des jeux de mise en scène vicieusement malins avec des passages explosifs, voire épiques.
Voir Gotham et mourir
Dans les grandes lignes, Arkham Knight s'inscrit parfaitement dans la lignée de ses prédécesseurs, notamment d'Arkham City. On pourrait craindre à raison un goût de "déjà joué", mais Rocksteady a vraiment su doper chaque aspect du jeu pour en renouveler la saveur. Plus grand, plus vif, plus fourni... Ce nouvel épisode pourrait collectionner les superlatifs à n'en plus finir, à commencer par sa réalisation étourdissante. Il n'y a qu'à se percher d'un coup de grappin en haut d'un building pour s'en convaincre. Fracassée par une pluie battante, plongée dans une nuit déchirée par des éclairs aveuglants, Gotham s'étale à nos pieds, grouillante, lumineuse, vivante. On n'a certes pas vraiment la surprise de la découverte comme en 2011 - même si la ville, cinq fois plus grande, est bien différente de celle du deuxième épisode -, mais on ne se lasse pas une seconde de planer entre les immeubles et monuments de la ville qui puisent toujours des inspirations architecturales du côté des années 50 matinées d'une pointe de gothique qui sied parfaitement à l'univers de Batman. Les personnages ne sont pas en reste avec un souci du détails et une expressivité qui font mouche. Le visage en lambeaux de l'Épouvantail, les incroyables effets de textures sur l'armure du Dark Knight... Rocksteady prouve une nouvelle fois sa maîtrise irréprochable de l'Unreal Engine. Il n'y a guère qu'une pointe d'aliasing et de petits tressauts du frame rate lors de certains passages chargés qui viennent légèrement perturber la fête. Mais franchement, rien de gênant à l'horizon.
Sans surprise, le game design suit donc la même logique en reprenant les bases déjà établies par son prédécesseur, mais en les emmenant encore plus loin. Arkham Knight reprend ainsi la formule de l'open world en donnant accès aux missions principales qui dérouleront la trame centrale du jeu, mais aussi à une myriade de missions secondaires qui viendront gonfler la durée de vie tout en étoffant le background de l'aventure. Si certaines captures de bastions ennemis, la traque de Firefly ou la chasse de trophées de l'Homme-mystère gardent un léger goût de copier/coller pour remplir, d'autres ont beaucoup plus de consistance et d'intérêt comme le démantèlement du trafic d'armes du Pingouin ou les braquages de Double-Face.
On peut donc déguster le jeu comme on le souhaite en accédant d'un clic à un menu présentant toutes les missions proposées. Les plus pressés pourront filer bille en tête vers les missions principales tandis que d'autres pourront papillonner à leur gré en goûtant à toutes les surprises qu'a préparées Rocksteady en parallèle avec, à la clé, de précieux points d'expérience à glaner, histoire de booster les performances et gadgets de notre héros masqué (un aspect à ne pas négliger !). On comptera donc en moyenne une vingtaine d'heures pour arriver à la conclusion de l'histoire. Mais vous pouvez facilement y ajouter une grosse dizaine d'heures pour boucler l'intégralité des missions et défis secondaires qui seront le seul moyen de découvrir la vraie fin du jeu (bon courage !).
Bam ! Clank ! Zlonk ! Kapow !
Toujours parfaitement équilibré, Arkham Knight oscille entre phases d'action brutale avec des combats percutants, de l'infiltration bien fourbe et également quelques passages d'enquête (analyse de scènes de crime, de vidéosurveillance...) vraiment bien fichus. Comme à chaque épisode, les affrontements ont encore gagné en vivacité (oui, c'était possible). Dans la première partie, on a d'ailleurs presque tendance à regretter cette évolution tant ils en deviennent expéditifs : on clique sur le bouton, Batman fuse de partout, castagne tout le monde et c'est marre. Peu à peu, le jeu oppose des ennemis plus nombreux et retors qui redonnent du challenge à des combats qui deviennent bien plus techniques et intéressants. Petite nouveauté de cet épisode, certaines bagarres accueilleront un autre personnage de la Bat-family (Nightwing, Robin, Catwoman...) avec lequel on pourra combattre ponctuellement et réaliser des combos. Une idée mignonne, mais tout à fait sous-exploitée.
De son côté, l'infiltration repose toujours sur l'observation et l'utilisation à outrance de bat-gadgets pour éliminer un à un les gardes. On note l'arrivée de drones de surveillance, de tourelles avec mitrailleuse et détecteur de mouvements, d'armures optiques (pour déjouer nos captures thermiques)... De quoi pimenter un peu les choses, en somme. De notre côté, on peut désormais tendre des pièges à certains gardes grâce à un synthétiseur vocal, pirater les fameux drones ou encore filer automatiquement dans les conduits d'aération sous-terrains grâce à des trappes situées sur les murs... Bref, là encore, Rocksteady ne bouscule pas sa formule gagnante et se contente de l'affiner, de l'enrichir en proposant notamment un large éventail de gadgets pour permettre aux plus créatifs et pervers de s'exprimer pleinement. Ça tombe bien, on n'en demandait pas vraiment plus.
Batmobile, tu parais si fragile sous ton drôle de capot
En poussant tous les potentiomètres de son jeu au max, les gars de Rocksteady redoutaient-ils que le joueur avide de changement reste malgré tout sur sa faim ? Fallait-il une vraie grosse nouveauté pour justifier ce troisième épisode ? Quelle que soit la raison, on se demande quelle Firefly a piqué Rocksteady lorsqu'ils ont conçu la Batmobile d'Arkham Knight. Plus proche du design militaro-réaliste de Nolan que de la version sobre et efficace de Burton ou Bruce Timm, sans même évoquer (heureusement) la version "ridicule jouet en plastique" de Schumacher, il faut reconnaître qu'elle en impose de prime abord. Ses vrombissements sauvages, les gerbes de flammes qu'elle crache à chaque accélération, la manière dont Batman se jette avec panache à l'intérieur... Le premier contact est franchement enthousiasmant. Le problème, c'est que Rocksteady a voulu en faire la star du jeu là où elle aurait clairement dû rester à sa simple place de véhicule de luxe pour frimer sur Grand Avenue.
Premier souci : le manque de sensations côté conduite. Bien sûr, elle rugit un boost qui décolle les oreilles pointues. Bien sûr, tout devient flou dès que l'on fuse un peu vivement. Mais les développeurs ont volontairement bridé la bat-monture pour la rendre plus facile à piloter. Résultat : dès que l'on donne un coup de stick pour virer, elle décélère automatiquement. C'est subtil - difficile à percevoir au début, même -, mais les sensations en prennent un sérieux coup. Notons d'ailleurs que pour traverser Gotham, il sera bien plus facile et rapide de passer par les airs avec le combo grappin/cape plutôt que de compter sur cette espèce d'Autolib' déguisée en dragster.
Mais la pire idée reste de très loin la fonction tank. Oui, tank... D'un clic sur la gâchette gauche, la Batmobile se métamorphose en véritable petit char d'assaut ultra maniable avec ses quatre roues directrices, ses canons vulcan et 60mm. Pour justifier ce coup de génie, le jeu nous mettra face à une véritable armée de drones blindés qui arpentent Gotham dans le but de nous dégommer. Hélas, certaines missions principales ne manquent pas d'exploiter ce concept absurde en nous jetant dans des combats, certes spectaculaires, mais surtout particulièrement pénibles. Pour faire simple, la Batmobile qui devient un tank, c'est probablement une des idées les plus idiotes que l'on ait vu dans un jeu vidéo depuis la transformation de Sonic en loup-garou dans Unleashed. C'est totalement hors de propos et ça casse le rythme du jeu (et pas que ça, d'ailleurs). Heureusement, sur l'ensemble de l'aventure, ces passages restent relativement sporadiques et on les oublie bien vite une fois "à pied". Mais ils existent et c'est déjà beaucoup.
Oh, mais vous reprendrez bien une petite louche de Batmobile, non ? Parce qu'elle ne sert pas qu'à faire la guerre ! Dès qu'il le peut, le jeu la sortira de sa poche pour résoudre une énigme ou participer à des courses dans les égouts pour déjouer les plans de l'Homme-mystère. Tout n'est pas à jeter, évidemment. Son emploi est même franchement judicieux à certains moments : utiliser son grappin pour arracher les portes blindées d'un bâtiment pour y dénicher des ennemis hébétés, la guider à distance pour réaliser une jolie embuscade ou se tirer d'un mauvais pas... Elle a vraiment un potentiel indéniable et sa présence dans le jeu est plus que justifiable. Mais c'est la surabondance qui finit par écoeurer à terme. Un dernier mot enfin pour préciser que, si ce test a été réalisé sans aucun problème sur une version PlayStation 4 qui tourne du feu de dieu, il en va tout autrement pour la version PC externalisée par Rocksteady. Entre le frame rate à débloquer dans les fichiers .ini et les nombreux soucis de stabilité rencontrés malgré tout, le jeu est encore en attente d'un patch des dév pour régler les nombreux problèmes qui l'affectent.