Test : American Arcadia fait tout pour l'audimat
Et au cas où on ne se reverrait pas, une bonne soirée et une excellente nuit ! Testé pour PCPar
,Apparemment grands fans de The Truman Show, les Espagnols d’Out of the Blue se sont lancés dans ce qui pourrait s’apparenter le plus possible à une adaptation en jeu vidéo du film culte. Bien évidemment, les choses sont plus riches que cela, mais rien que ce pitch de base était suffisant pour nous inciter à nous pencher sur American Arcadia et voir s’il parvient à être plus qu'une redite intéractive. Entre humour, narration chaotique et mélanges des genres, nous avons en face de nous un labeur du coeur qui ne laisse pas indifférent malgré ses défauts évidents.
Lors de la gamescom 2022, nous avions prévu un petit tour du côté du stand de Raw Fury. L’éditeur présentait cette année-là, entre autres, l’excellent Cassette Beasts et American Arcadia. Sans rien savoir de la dernière production d’Out of the Blue, le projet représentait malgré tout une étape obligée, le précédent jeu du studio madrilène qu’était Call of the Sea ayant été plutôt convaincant, surtout en guise de premier jeu. En vingt minutes, nous découvrions Trevor, citoyen lambda d’American Arcadia, et Angela, une activiste infiltrée chez Walton Media bien déterminée à l’aider à s’échapper. Avec deux gameplay et deux ambiances bien distinctes entre les deux personnages, les Espagnols préparaient quelque chose de bien plus ambitieux et original que Call of the Sea sur tous les points.
Télé réalité caféinée
Si American Arcadia résonnera plus intensément avec les amoureux du film de Peter Weir, le jeu parvient malgré tout à se libérer de ce concept pour y apporter sa touche personnelle sans trop de difficultés. Les influences du cinéma sont d’ailleurs multiples et l’on pourra citer notamment Westworld et ses touristes dans un monde fictif, ou Matrix pour la scène de Neo guidé par Morpheus pour fuir son lieu de travail. Au-delà de ces références évidentes, cet héritage cinématographique va également se traduire par les formes de narration employées dans American Arcadia, et les Espagnols n’y sont pas allés de main morte sur leurs choix de mise en scène.
Soyons clairs,l’intrigue d’American Arcadia n’est pas des plus novatrices et ne vous attendez pas à ce que des thèmes profonds y soient abordés. Le déroulement global de l’aventure de Trevor et Angela est assez évident et les plots twists n’en sont en réalité que rarement tant ils sont pour la plupart prévisibles. Les quelques éléments plus difficiles à voir venir auront de toute manière un impact émotionnel moindre, mais malgré tout cela, cette tentative d’évasion reste captivante à vivre grâce à des mises en scène très différentes. Pauses en plein milieu du gameplay avec humour suivi de témoignages face caméra du duo de protagonistes comme si nous étions dans The Office. Fausses images d’archives de Walton Media sur le fonctionnement interne d’American Arcadia. Flashbacks et prolepses pour montrer les péripéties de chaque protagoniste sur des temporalités différentes en commun. Séquences très métas et utilisation du quatrième mur…
Bref, Out of the Blue ont vraiment essayé toutes les formes de narration qu’ils voulaient dans leur jeu et dites vous bien que nous ne les avons pas toutes mentionnées. Cela va permettre de renouveler constamment la façon dont American Arcadia se présente à nos yeux, apportant une fraîcheur tout le long des six heures nécessaires pour en voir le bout. Mais ces changements constants de structures narratives donnent également l’impression d’un trop plein de formes d'écriture qui se fait au détriment de l’intrigue. Comme si Out of the Blue voulait tout essayer en voyant bien ce qui fonctionne ou pas. Au générique de fin, si on ressort amusé de l’expérience, il faut néanmoins reconnaître que ces changements apportent un certain chaos scénaristique.
Deux salles, deux ambiances
Un mélange que l’on retrouve également dans le gameplay, puisque l’équipe va multiplier les approches de jeu. Lorsque l’on contrôle Trevor, le jeu consiste principalement à du side scrolling avec des mécaniques de platformer tout ce qu’il y a de plus classique. Certaines de ces phases se feront en solo, d’autres où Angela sera en soutien en suivant l’action via les différentes caméras d’American Arcadia, en lui ouvrant des portes ou en bloquant ses poursuivants. L’occasion pour le joueur de gérer à la fois les actions d’Angela et celle de Trevor et Out of the Blue fait un superbe travail pour qu’on ne s’emmêle pas les pinceaux, y compris dans la configuration des touches sur la manette. Et enfin, les sections uniquement avec Angela nous ferons basculer en vue FPS pour un gameplay davantage tourné vers l’exploration et les puzzles comme pouvait le faire Call of the Sea.
Un équilibre qui fonctionne bien, qui permet au studio d’expérimenter pas mal de choses et - encore une fois - d’apporter une fraîcheur constante à l’aventure. Aucun puzzle ne se ressemble, mais le jeu a tout de même une limite. Nous disions plus haut que ses développeurs se débrouillaient bien pour que l’on puisse gérer nos deux protagonistes en même temps, maisc’est aussi et surtout dû au fait que ces phases là ne nécessitent pas une mobilisation intense de notre matière grise à déplacer Trevor et la plupart du temps, se contenter de pousser le joystick vers la gauche ou vers la droite suffit à gérer le personnage.
Dans sa direction artistique, American Arcadia se veut comme un diptyque que tout oppose. D'un côté, une utopie insouciante bloquée dans les années 70, avec ses coupes disco, ses fringues chatoyantes, son mobilier arrondi et ses couleurs vives. De l'autre les années 2020 et le monde très corporate de Walton Media, rempli de costards cravates LinkedInien dans des tours de verre et une décoration d'intérieur aussi froide qu'insipide. Une différence visuelle qui peut paraître simpliste mais qui fait toute la différence et que l'on retrouvera même dans la musique, avec un style en accord avec la décennie 70 lors des courses poursuites de Trevor et quelque chose de plus moderne avec Angela. L'une des vrais forces d'American Arcadia est de réussir à rendre expressif ses personnages qui n'auront pas de bouche et deux points noirs en guise de yeux sur le visage. Tout va passer par la voix et les dialogues et si l'écriture est réussie, c'est surtout le travail des acteurs qu'il faut notifier.
Le jeu étant disponible uniquement en VOSTFR, c'est d'ailleurs dommage quele sous-titrage ne soit pas toujours au top, avec des textes décalés par rapport aux dialogues et des chevauchements entre différentes lignes en tête. Terminons d'ailleurs ce test par les quelques soucis techniques posés par le jeu. Rien qu'un patch correctif ne pourrait pas régler, mais qu'il faut tout de même mentionner. En plus de ce petit couac, il est arrivé plusieurs fois que notre personnage se lance dans un monologue en interagissant avec le décor tout en parlant avec une autre personne amenant à une cacophonie de chevauchements de lignes de dialogues incompréhensibles. Nous avons aussi rencontré quelques cas où nos poursuivants disparaissaient si l'on allait trop vite pour eux, amenant à une non résolution de la scène. Et enfin, et nous ne savons même pas vraiment s'il s'agit d'un problème technique ou d'un parti pris, mais certaines transitions entre différentes scènes ou changements de personnages sont si abruptes que l'on pourrait croire à un souci technique. Si c'est effectivement un choix artistique, il faut reconnaître qu'il est plutôt étrange.