11-11 : Memories Retold
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11-11 : Memories Retold Genre : Aventure narrative | Éditeur : Bandai Namco Games | Disponible : 9 novembre 2018

Test : Tempête dans un Verdun : on a testé 11-11 Memories Retold

C'est fresque bien Testé pour PC, PlayStation 4 et Xbox One

Par Yukishiro ( @yukishgk ) ,
modifié le 9 novembre 2018 à 11h34

Le centenaire du début de la Première Guerre mondiale avait eu son jeu commémoratif avec Soldats Inconnus ; les cent ans de l’Armistice, quatre ans plus tard, auront le leur avec 11-11 : Memories Retold. L’éditeur et le scope changent, pas nécessairement les développeurs ni la formule, puisque les deux titres ont été supervisés par le Français Yoan Fanise. La 2D dessinée a laissé la place à la 3D peinte, Ubisoft Montpellier s’est effacé devant DigixArt (lui aussi basé dans l’Hérault), mais entre le jeu documentaire et le jeu d’action, 11-11 poursuit dans la même tranchée que son aîné.

Le jeu étant disponible ce jour, notre test est remis en avant.

Condition de test :
Test réalisé à l’aide d’une PlayStation 4 Pro. Jeu terminé une première fois en six heures environ, puis repris pour constater l’éventail de fins différentes (essentiellement via des choix à boutons en fin de partie)

Quand Harry rencontre Vimy

C’est l’histoire de la dernière balle tirée avant l’Armistice du 11 novembre 1918, précisément neuf secondes avant la fin de quatre années de guerre mondiale. Ce que vous propose 11-11 : Memories Retold avec sa fiction interactive en trois actes (comptez six à huit heures de trajet), c’est de décider si cette balle sera bel et bien tirée, par qui, et surtout, sur qui. On n’en dira évidemment pas plus, car on navigue ici dans des eaux minées de spoilers, mais la production de DigixArt et Aardman reprend la bataille livrée par Soldats inconnus : Mémoires de la Grande Guerre il y a quatre ans : incarner le conflit à l’extrême, l’humaniser par le plus large dénominateur commun. Comprenez ici que 11-11 ne raconte pas tant l’histoire de la guerre, mais une histoire dans la guerre. Il n’est pas un théâtre de nations, ni d’armées, ni même de soldats, mais d’hommes, de pères et de maris.

Exception faite du personnage non jouable de Barrett, un gradé de l’armée alliée qui aurait probablement mérité davantage de nuances, le jeu publié par Bandai Namco s’attarde exclusivement sur la gémellité des destins de deux soldats ennemis. Dans la tranchée de gauche, Harry, un photographe canadien qui fait une tardive conscription en Europe pour rapporter au pays les images de l’engagement nord-américain dans le conflit. Dans celle de droite, un ingénieur allemand du nom de Kurt, qui décide de troquer le casque de chantier contre un casque à pointe pour retrouver son soldat de fils sur le front. On notera immédiatement que ni l’un ni l’autre ne sont des militaires de carrière, ce qui permet à la fois de panacher le gameplay sans y insérer ces obligatoires phases de tir, toujours casse-gueules point de vue ludique et moral, mais aussi de nous brosser des personnages un minimum dignes de votre pacifiste empathie. D’ailleurs, sitôt les premières scènes soutenues par les mélopées efficaces d’Olivier Derivière, on devine que c’est un peu là-dessus que 11-11 va concentrer ses obus.

Grandes gueules cassées

Pas besoin en effet de passer l’agrég’ en analyse filmique pour dénicher le sous-texte humaniste derrière l’initiative 11-11, dont il faut rappeler qu’il s’inscrit dans les commémorations du centenaire de la paix du 11 novembre 1918. Les élans de camaraderie et les morceaux de bravoure s’effacent ainsi régulièrement devant l’idée que la guerre ne fait que des victimes, y compris parmi ceux qui survivent. Pour ce faire, le jeu livre une narration en miroir avec des séquences hachées, parfois de seulement quelques secondes, entre le point de vue de Harry et celui de Kurt. Parfois, le mécanisme fonctionne remarquablement bien, comme ces instants où le premier profite d’un moment d’insouciance dans sa tranchée tandis que le second fomente un assaut meurtrier à quelques dizaines de mètres de là. Mais parfois non, comme cette séquence où l’on enchaîne sans transition un passage au cimetière avec une chasse au pigeon dans Paris.

L’effet tombe d’autant plus à plat ventre que l’on nous donne trop souvent à pleurer des saynètes pas toujours marquantes, ou qui échouent à l’être, la faute à une peinture un poil simpliste (d’aucuns diront très grand public) de la Première Guerre mondiale. On ne compte plus ces PNJ par dizaines dont la seule ligne de dialogue enregistrée consiste à déclamer qu’ils ont faim (“J’ai faim”), froid (“Quel froid !”), qu’ils ont le mal du pays (“Ma femme me manque”), et dont on ne retient jamais grand-chose sinon qu’ils ne sont pas ravis de poireauter au fond d’un trou dans le bassin minier du Pas-de-Calais. Au passage, si la mort existe dans 11-11, elle reste d’abord un “concept” que le jeu évoque sans jamais la montrer de trop près, ou alors avec une chasteté dont on ne sait trop s’il faut accabler le moteur du jeu, la direction artistique ou la mise en scène.

Qu’il s’agisse des Allemands (Kurt) ou des soldats de l’Entente (Français, Britanniques, Américains, Africains), les PNJ jouent ici moins leur rôle de personnages que de projections superficielles des vicissitudes de la Grande Guerre, ce qui donne hélas un effet carte postale où chaque séquence se débobine en écrasant la précédente. Les deux héros, ne s’exprimant souvent qu’en pensant à voix haute, s’en tirent logiquement un poil mieux et l’on notera que le défaut s’estompe à partir de la seconde moitié de Memories Retold, quand les enjeux deviennent soudain plus intimes et même, toutes proportions gardées, plus complexes moralement. Mais il faut admettre que pour un titre qui promettait un récit original au coeur d’une bataille plurinationale, qui s’engageait à remettre l’humain au centre des batailles, les premières heures manquent clairement de caractérisation et d’audace, et ce malgré les efforts de Elijah Wood (Le Seigneur des Anneaux) et Sebastian Koch (La Vie des Autres, Homeland). Beaucoup de films de moins de deux heures sur la Grande Guerre s’en sortent bien mieux que Memories Retold, qui parle beaucoup, mais ne raconte finalement pas grand-chose en six heures. Ici, c’est davantage une introduction qu’une réappropriation des codes narratifs du conflit que proposent, on l’imagine aux plus jeunes, DigixArt et Aardman.

La guerre des boutons

Peut-être est-ce aussi le bon moment pour commencer à distribuer les points entre Harry, le photographe candide qui ne s’engage dans le conflit que pour séduire une collègue, et Kurt l’Allemand, dont la famille affamée, malade, ne tient qu’à un fil jusqu’au bout du récit. Niveau drama militaire, l’écart d’intérêt entre le témoin (Harry) et l’acteur (Kurt) se creuse dès les premières minutes de jeu et on se demande même, au bout du bout, ce que vient faire Harry au milieu de la timeline de Kurt - pour vous dire, il vous sera même proposé de le renvoyer chez lui avant la fin du jeu. Les développeurs vous laissent d’ailleurs la possibilité de démarrer un chapitre par l’un ou l’autre des personnages, avec à la clef des séquences supplémentaires et, à l’acte trois, une conclusion différente selon vos choix. Reste ce twist plutôt bien vu et un final mieux ficelé, car sachez-le, Memories Retold finit nettement mieux qu’il ne démarre. La dernière heure est sans doute même la meilleure...

… alors que la première, elle, est vraisemblablement la moins emballante, en ce qu’elle nous jette comme un seau d’eau glacée des mécaniques déjà usées. Comme pour beaucoup de walking simulators dont se réclame 11-11, le gameplay en lui-même ne revêt pas grand intérêt ludique, sinon de servir de bouton pressoir pour avancer dans l’histoire. Ce n’est pas criminel, certes, a fortiori pour un jeu aux aspirations narratives, mais on se désole encore de voir en 2018 des “missions” entières où il faut apporter des objets d’un point A à un point B espacés de vingt mètres (Kurt et Harry étant des troufions, ils servent grosso modo de larbins aux autres personnages) et où le seul enjeu est de cadrer une photo immanquable (on a essayé) ou de porter un seau d’eau à son camarade, quelques mètres plus loin. Les caisses au sol sont parsemées en dépit du bon sens germanique ? Kurt pousse caisse. Le monte-charge s’active avec un levier à vingt mètres de là ? Harry tire levier. Des logiques qui renforcent cette impression d’un jeu destiné à un public non-joueur, et jeune, pour se familiariser par voie ludique au vécu des Poilus de la Première Guerre mondiale. Sans doute le problème était-il moins prégnant dans Soldats Inconnus, plus figuratif évidemment, mais aussi certainement plus complexe, créatif et malin dans ses énigmes.

Par la suite, le gameplay cocktail s’autorise également des phases d’infiltration (éviter un garde) ou de déplacement synchronisé (éviter un tir de mitrailleuse), jamais trop pénibles là non plus, même si les profanes risquent de se heurter à des soucis d’interface ou de feedback sans gravité ni conséquence, sinon de reprendre de zéro une énigme plus tôt. On pense par exemple à ces moments où l’on nous demande de chercher des objets sans aide visuelle (admettons, c’est le principe après tout), ou quand un personnage non jouable nous interpelle et qu’on se retrouve à accoster tout le régiment pour trouver qui nous parle, faute d'icône de repérage. Comme un écho au scénario du jeu, c’est dans le rapprochement des deux héros que 11-11 redresse enfin le nez avec des mécaniques de coopération rudimentaire qui épaississent les énigmes : d’une simple pression de touche, le jeu nous laisse le choix d’alterner l’un ou l’autre des soldats pour, par exemple, appeler une grue ou tenir une porte lourde. La loi martiale nous dicte également de faire mention de la possibilité de lancer un pigeon sur des objets ou d’incarner un chat, qui comme le chien de Soldats Inconnus fait office de troisième personnage jouable et sert essentiellement à gratter des “notes”, petite carotte de collectionnite qu’on trouve souvent sur les toits ou dans les recoins des niveaux.

Zeppelin laid

On doit néanmoins reconnaître que si la représentation de la Première Guerre mondiale se ressent plus qu’elle ne se lit, alors 11-11 : Memories Retold touche immédiatement au but avec une direction artistique unique et souvent impressionnante. Comme des toiles organiques qui se débattent, se noient et se tordent sous les effets d’explosion, de fumée et de vagues, les différentes scènes du jeu (et il faut souligner qu’elles sont nombreuses et variées, du village allemand au cimetière militaire, en passant par une fantastique représentation du no man’s land, cette parcelle mortifère qui séparait la ligne de front des deux armées) en mettent régulièrement plein la vue. Les artistes du jeu ont pu s’appuyer sur un effet brosse pour arrondir les différents objets 3D du titre, qui confère à l’ensemble une allure de peinture à l’huile tout à fait remarquable, même si l’on sent respirer derrière le masque des limitations dans les modèles et animations des personnages.

Si les héros et PNJ restent malgré tout astreints à une forme de vraisemblance visuelle, ce qui rend l’effet un peu curieux, façon film d’animation en claymation (il faut souligner que certains artistes de Wallace et Gromit et Chicken Run sont derrière la réa de 11-11), les panoramas de Memories Retold (on voudrait tant vous parler de ce littoral belge s’il ne spoilait pas un moment charnière de l’aventure… ) sont eux souvent époustouflants. Ca ne plaira certainement pas à tout le monde, mais le boulot abattu mérite ici quelques médailles d’honneur. On peut seulement déplorer qu’en volant au secours d'un bagage technique trop léger, la direction artistique tire occasionnellement contre son propre camp : au moment d’écraser une larme, d’enterrer un parent ou un ami, difficile de se projeter au travers de ces pantins aux contours baveux, parfois sans nez ni bouche et chichement animés de surcroît. De vraies gueules cassées, sans doute par souci de planquer sous l’uniforme rutilant un budget maigrelet, mais qui déshumanisent une guerre que 11-11 : Memories Retold cherchait précisément à représenter par l’individu.

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