L'IA n'empêchera pas les comédiens de doublage de "trouver une productivité saine", selon l'actrice de Returnal
IA pas à s'inquiéter
Elle a prêté sa voix et sa gestuelle à plus d'un personnage de jeu vidéo : Jane Perry a gagné le BAFTA pour son rôle de Selene dans Returnal, mais s'est aussi fait entendre dans Baldur's Gate 3, Hitman, RoboCop Rogue City, Ghost Recon Wildlands ou encore Control. Au total, ce sont plus de 80 jeux vidéo qu'elle affiche sur son CV et comme bien des comédiennes et comédiens de doublage, le sujet de l'IA lui trotte dans l'esprit.
Invitée à s’exprimer sur sa carrière avec Games Industry, Jane Perry a aussi été interrogée sur l’avenir de la performance dans le jeu vidéo, IA oblige. "Je regardais le robot Optimus danser… ça m’a glacée", confie-t-elle avec un sourire un peu inquiet. Pour rappel, Optimus est un robot humanoïde conçu par Tesla, dont la chorégraphie a fait beaucoup parler d'elle le mois dernier. Si l’IA progresse à grands pas dans l’imitation des voix et des corps, l’actrice estime que la technologie n’est pas encore capable de capturer la richesse émotionnelle d’un humain, sans pour autant éluder le débat. "Les acteurs, comme presque tout le monde de nos jours, sont constamment talonnés par l'IA. Je ne pense pas que la technologie soit encore au point, pas au sens où une voix générée par l'IA et/ou la physionomie d'un robot correspondent en quoi que ce soit à la spécificité de l'humain. Mais c’est quelque chose avec lequel nous devons compter très sérieusement, car cela arrive."
Surtout, rester optimiste
"En général, je défends la créativité sous toutes ses formes", continue Jane Perry. "Mais cette vision particulière de créativité me laisse froide et sceptique quant à notre avenir. Je n'aime pas trop me laisser emporter par la fatalité et je suis convaincue que l'avenir offrira à chacun des opportunités de trouver une productivité saine. Je pense que nous comprenons tous instinctivement l'enjeu : si nous perdons notre raison d'être, notre dynamisme, notre concentration et notre esprit s'effondrent. (...) Je choisis de croire que nous trouverons la voie à suivre pour surmonter ce changement de paradigme majeur et sans précédent."
Pour l’actrice, la question dépasse largement le seul cadre du doublage : "j’espère que les développeurs prennent cela très au sérieux, pas seulement pour les acteurs." Un appel à la vigilance donc, mais aussi à la responsabilité collective. "La plupart des développeurs que je connais et avec lesquels j'ai travaillé accordent une grande importance à la préservation de l'humain au travail."

De quoi faire écho aux récents propos d'Harrison Ford, qui félicitait Troy Baker pour avoir prêté sa voix à Indiana Jones dans le récent jeu de Bethesda. "Il a fait un travail brillant et il n’a pas fallu l’IA pour le faire", lâchait-il. L'année dernière, le syndicat américain SAG-AFTRA concluait un accord encadrant l’usage des voix générées par intelligence artificielle dans le secteur du jeu vidéo. L’objectif : permettre le développement encadré d’emplois numériques pour les comédiens tout en garantissant des protections avancées face aux nouvelles technologies liées à l’IA. Quelques mois plus tard, en octobre, plusieurs figures majeures du doublage au Japon, dont la célèbre voix de Freezer dans Dragon Ball, se sont unies au sein d’un collectif pour alerter sur une pratique préoccupante : il réclament que les entreprises renoncent à entraîner leurs intelligences artificielles à partir d’enregistrements de comédiens n’ayant donné ni accord, ni signé de contrat.